Au Cameroun, les personnes décédées de la Covid-19 doivent être inhumées au plus tard douze heures (12h) après le décès en présence de quelques membres de la famille sous l’encadrement des autorités sanitaires et des hygiénistes de la Mairie territorialement compétente. Le Barreau du Cameroun observe quelques irrégularités et le manque d’humanité dans le traitement des morts au Cameroun en cette période de Covid-19. La Commission des droits de l’homme et des libertés du barreau du Cameroun, par la voix de son président, Me Christian Daniel Bissou, lance un appel à l’assouplissement des mesures funéraires en cette période Covid-19. L’intégralité de sa plaidoirie.
« La Commission des Droits de l’Homme et des Libertés du Barreau du Cameroun s’inquiète du caractère cavalier des pratiques funéraires dont sont victimes les personnes décédées au Cameroun depuis le mois de Mars 2020 et qui constituent des formes d’asservissement et de dégradation de la personne humaine portant gravement atteinte à leur dignité ;
«Être humain c’est affirmer sa propre humanité, en reconnaissant l’humanité des autres, et sur cette base, établir des relations humaines avec toute personne… je ne peux qu’augmenter ma propre dignité c’est-à-dire, jouir pleinement des droits humains lorsque je respecte celle des autres ».
Cette déclaration de Mgr Silvano TOMASI, Nonce Apostolique et Observateur Permanent du Saint-Siège, à l’ONU le 10 Décembre 2007 à l’occasion du soixantième (60ére) anniversaire de la Déclaration des Droits de l’Homme, résonne dans notre pays meurtri par la pandémie Covidl9 comme une sirène d’alarme ;
La dignité humaine est le fondement axiologique suprême et ultime des Droits Fondamentaux, en grec l’équivalent du mot dignité est « axios » (ce qui est convenable, ce qui vaut, ce qui mérite). Nul ne sait « pour qui sonne le Glas » !
Depuis la découverte du premier cas de la Covid-19 le 06 mars 2020, le Cameroun bien que maitrisant peu ou prou la pandémie compte ses morts dans tous les segments de la population sans distinction de sexe, âge, religion, parti politique, tribu… Tout y passe.
Oui le glas sonne pour tous Cent soixante-onze (171) morts tel était le chiffre officiel au 25 Mai 2020. Des morts qui aux dires des autorités doivent être enterrés « douze heures (12h) après le décès en présence de quelques membres de la famille sous l’encadrement des autorités sanitaires et des hygiénistes de la Mairie territorialement compétente».
Ces conditions funéraires des patients décédés de la Covid- I 9, aussi rigoureuses qu’elles puissent paraitre ne semblent reposer sur aucune base scientifique fiable, le taux de reproduction de la maladie au-delà de la mort étant limité à la transmission manu-portée et de transmission réduite; La Science n’est pas camerounaise, elle est Universelle.
Au-delà de cette organisation assez incompréhensible, l’assimilation de désormais tous les morts de nos hôpitaux à des cadavres Covid-19 est une atteinte flagrante à la dignité humaine, principe constitutionnel et composante essentielle de l’ordre public en tant que l’ordre public administratif conserve une dimension morale avec ce principe de dignité humaine.
La célèbre « affaire du cimetière Carpentras » ou celle dite du « lancer de nain » nous rappellent fort opportunément que le respect dû au corps humain va au-delà de la mort.
Le Barreau du Cameroun est de plus en plus victime de ces tests à la Covid-I 9 présentant un doute quant à leur qualité et leur fiabilité, mais plongeant les familles dans le désarroi. Le dépistage de la maladie Covid-19 repose sur les tests virologiques RT.PCR (Réaction en chaîne par polymérase), les tests sérologiques destinés à détecter les anticorps et/ou les tests dits rapides ;
Aucun de ces tests n’est fiable à 100% selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et encore faut-il les faire avant de soumettre nos morts à toutes formes d’asservissement et dégradation et de les soustraire à toutes cérémonies funéraires.
L’ensemble des tests et, le Haut Conseil de Santé Public Français l’a reconnu depuis son Avis du 24 Mars 2020, n’établit pas la contagiosité absolue et immédiate du défunt au-delà des voies respiratoires.
On comprend pourquoi bien qu’ayant interdit les soins de thanatopraxie (maquillage, formol), les toilettes mortuaires et l’organisation des obsèques conformément aux souhaits du défunt et de la famille sont autorisées en France, sous respect des conditions d’hygiène et de distanciation sociale.
Les corps peuvent même être conservés pendant 6 mois selon l’Avis du Haut Conseil suscité. Pourquoi donc traiter tous nos morts comme des véritables parias de la société et s’étonner que naisse dans l’ordre social une véritable stigmatisation de ces malades, que dis-je, de ces morts depuis le mois de Mars 2020.
S’étonner que s’installe dans le public un soupçon de manipulation des restes mortuaires ou des prélèvements d’éléments dans les corps.
Selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « tous les êtres humains naissent égaux en dignité et en droits » et la dignité s’avère nécessaire à l’établissement d’un état de droit. Oui le respect de la dignité humaine sera toujours une composante de l’ordre public ou même titre que la tranquillité, la salubrité et la sécurité publiques.
C’est un principe séculaire : « les restes d’une personne décédée y compris les cendres de celle dont le corps a donné lieu à crémation doivent être traités avec respect et décence ».
Puissions-nous y souscrire !
(é) Par Me Christian Daniel Bissou,
Président de la Commission des droits de l’homme et des Libertés du Barreau du Cameroun«
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